mercredi 24 octobre 2012

la règle de droit




  La règle de droit
 
Il faut parvenir à distinguer entre la règle de droit  et ce qui constitue les règles générales de vie en commun. Si souvent elles se trouvent imbriquées il y a parfois aussi des ruptures, ainsi  « bien des actes condamnables aux yeux des hommes reçoivent l’approbation de votre témoignage, et, beaucoup d’autres, loués par les hommes, sont condamnés par votre témoignage » (Saint-Augustin, Les confessions, livreIII, chap IX). De même le droit n’est pas forcément rationnel comme le montre le code de circulation où la conduite peut se faire selon les pays à gauche ou à droite. Si la morale croise le droit elle peut aussi s’en dissocier. Il faut tenter de trouver des frontières claires permettant de définir fermement
cette règle de droit.
1-            La règle de droit est obligatoire, elle s’impose à tout individu par le biais d’une sanction celle-ci est préventive ou répressive. Ici on peut distinguer règle de droit et règle morale, si la réprobation du groupe intervient pour une infraction à la règle morale elle ne se poursuit pas forcément par l’application d’une sanction / c’est systématiquement le cas de la règle de droit.
2-            La fonction de la règle de droit est d’organiser les rapports dans la société par un tissu de rapports juridiques
3-            Elle impose, un individu ne peut y déroger par un effet de sa volonté. Cf art.6 du Code civ ? « on ne peut déroger, par des lois particulières, aux lois qui intéressent l’ordre public ou les bonnes mœurs ».
4-            Elle propose un modèle de conduite. La règle de droit donne ainsi le choix entre plusieurs conduites possibles. Dans le cas de la rupture du mariage, les époux peuvent choisir  entre différentes ruptures (consentement mutuel, faute, altération définitive du lien conjugal, acceptation du principe de rupture du mariage). Mais elle peut aussi proposer un modèle / dans le cas du mariage la communauté réduite aux acquêts – mais les futurs époux peuvent écarter ce régime au profit d’un contrat de mariage – on parle ici de lois supplétives.
5-            Elle exprime les valeurs de la société qui l’engendre.  Cf la présentation du projet de Code pénal par Robert Badinter, Dalloz, 1988, p.11  « Le nouveau Code pénal doit exprimer les valeurs de notre société. Les incriminations qu’il formule, les peines qu’il comporte doivent être en harmonie avec la conscience collective. » Il y a une montée du symbolisme législatif dans la volonté de définir des objectifs pour la loi : on en trouve l’illustration dans le droit opposable au logement « le droit au logement est un droit fondamental » énonce la loi du 6 juin 1989. Il s’agit de favoriser l’adhésion des citoyens aux lois et l’apparition d’idées nouvelles.
6-            Elle est nécessaire / ubi societas, ibi jus / le droit est l’expression de la civilisation, dès que les hommes forment un  groupe apparaît la règle de droit qui vient ainsi se confondre avec l’apparition de la civilisation. Si aujourd’hui la place de l’individu semble faire reculer le droit (droit de la famille par exemple) d’autres sont abondants : « Là où la vie privée, intime,  est en jeu, le vent dominant est au renoncement du droit ; ailleurs, l’interventionnisme étatique fait abonder le droit », J Carbonnier, Essais sur les lois, 2e éd. Defrénois, 1995, p.262.
Le droit en même temps qu’il acquiert une force propre par l’Etat n’en doit pas porter attention aux coutumes et aux mœurs en même temps que d’interroger les finalités du droit. Bien sûr le droit possède un vocabulaire qui lui est propre ; on recense plus de  10 000 mots. Le discours juridique vise la  clarté et utilise des formes neutres ou passives « il est permis de… », « il est interdit de… »,  de même seuls l’indicatif présent et le futur sont possibles. Auparavant la formule était lapidaire « Tout condamné à mort aura la tête tranchée » (Code pénal de 1810). Aujourd’hui l’inscription langagière est beaucoup plus complexe et se rapproche, disent ses détracteurs, du « nouveau roman ». Il y a par ailleurs un rapprochement entre la formulation juridique et les mathématiques en cela que nous sommes dans un système d’inférences : il y a un rapport logique entre les propositions qui sont solidaires. De même nous sommes dans un système conditionnel  dans un rapport de condition à conséquence ou de cause à effet, ce rapport se manifeste par les mots ; « si ( en cas, quand, lorsque…) … alors… ». Exemple l’art 1109 du Code civil[P1]  pose :
« il n’y a point de consentement valable, si le consentement n’a été donné que par erreur, ou s’il a été extorqué par la violence ou surpris par dol ». Le consentement a un contrat est donc de facto nul s’il est lié à une erreur, dol ou violence. L’application de cette règle de droit supposant le passage du général au particulier, de la règle de droit au cas particulier, le raisonnement est alors déductif : dans l’exemple précédent « le consentement d’une partie ayant été obtenu par dol du cocontractant, ce consentement n’est pas valable et le contrat est nul ». Mais le plus souvent l’application mécanique de la règle de droit est impossible, elle nécessite interprétation. Ainsi si une plainte intervient pour dol parce que l’achat est lié au boniment du marchand, il faudra prouver que l’excès est la cause de l’achat et constitue une infraction. Ce seront les arguments des parties qui feront la différence auprès du juge et la logique de la démonstration. Il faudra prouver que la mineure « le boniment est la cause de l’achat » est la cause de la majeure, ici le consentement au contrat.
Les méthodes d’interprétation :
1-      La méthode exégétique / l’interprète ne peut se fonder que sur le texte à interpréter, les textes qui l’accompagnent et l’intention du législateur. L’interprétation est rigide.
2-      La libre méthode scientifique / L’interprète peut aller au-delà des textes qui n’ont pu tout prévoir, le juge fondera sa décision sur l’histoire, l’état des mœurs, l’équité. L’interprétation est souple.
Aujourd’hui il y a en France une combinaison de ces 2 méthodes en ce qui concerne le droit civil. Pour le droit pénal prévaut l’interprétation stricte des textes dans un souci de protection des libertés.
L’interprétation du droit repose sur 3 types d’arguments extra-juridiques :
1-      Argument d’équité : l’équité est un guide pour le juge mais n’est pas une source du droit. On a vu une décision de la cour de cassation consacrée l’argument d’équité (Req. 15 juin 1982, Grands arrêts, t2, n°227) « l’action en enrichissement sans cause … dérivant du principe d’équité qui défend de s’enrichir au dépend d’autrui ».  conduit à indemniser autrui.
2-      L’argument sociologique : l’évolution des mœurs est pris en compte par les juges avant la réforme du divorce de 1975 en acceptant le divorce par consentement sans vérifier la réalité de la faute.
3-      L’argument économique : il y a une référence implicite à l’économie  dans le cas du code du travail et d’une façon générale sur tous les pans du droit qui touche à l’économie.
L’interprétation par les maximes d’interprétations et les arguments de logique juridique
1-      Speciala generalibus derogant   /  une loi spéciale déroge à une loi générale /et/               Generalia specialibus non derogant  /  une loi générale ne déroge pas à une loi spéciale
2-      Ubi lex  distinguit, nec nos distinguere debemus / là où la loi ne distingue pas, nous ne devons pas distinguer :  ex art. 1384, alinéas 1er du Code civil érige en principe général de responsabilité le fait que l’on parle de chose en général pour les « choses » sous notre responsabilité, la jurisprudence a considéré que cela s’appliquait aussi bien aux meubles qu’aux immeubles.
3-      Exceptio est stricissimae interpretatonis / l’exception est d’interprétation stricte  -  toute règle dérogatoire au droit commun doit être interprétée d’une manière stricte.
4-      Cessante ratione legit, cessat ipsa dispositio / la raison d’être de la loi cessant, la loi cesse d’elle-même.  Si la raison d’être d’un texte disparaît celui-ci ne doit plus s’appliquer.  Ex : art. 1325 du Code civil exige pour la preuve que pour la preuve  d’un contrat synallagmatique il y est un contrat sous seing privé en « autant d’originaux qu’il y a de parties » pour éviter la falsification par la partie détentrice s’il possède le seul original. Mais la jurisprudence a considéré que si l’original unique était dépose entre les mains d’un tiers indépendant des parties, ce risque n’existait plus et la formalité du double ne s’impose plus.
L’interprétation peut aussi s’appuyer sur des arguments :
1-      argument téléologique  /  se fonde sur la finalité poursuivie par la loi, celle-ci pouvant se déduire des travaux préparatoires à son établissement et des considérations sur le texte lui-même. Le législateur formule souvent des objectifs dans les textes qu’il adopte : ex l’esprit de la loi du 13 juillet 1965 relative aux régimes matrimoniaux étant communautaire la jurisprudence s’est servie de cet argument pour inclure les gains et salaires des conjoints dans la masse commune.
2-      argument analogique ( a pari ) /  une situation voisine doit recevoir un traitement juridique identique ou proche. L’annulation du mariage ressemblant au divorce l’allocation compensatoire peut donc aussi s’y appliquer.
3-      Argument a contrario conduit à poser que l’application d’une règle à une hypothèse ne pourra être appliquée à une autre. Ex : déduire de l’article 1383 du Code civil « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par duquel la faute est arrivée, à le réparer », qu’en l’absence de faute, il n’y a pas obligation de réparer serait contraire au droit positif.
4-      Argument a fortiori permet l’extension d’une règle à une hypothèse. Ex : s’il est interdit de blesser a fortiori il est interdit de tuer.
5-      Argument de cohérence, se fonde sur la cohérence du système juridique, il faut privilégier les interprétations non contradictoires avec le texte initial. La place d’un texte dans tel ou tel chapitre implique une volonté du législateur de le rattacher à une règle générale dont il faut aussi tenir compte.



 [P1]1.3 / Le contrat pour tout le paragraphe qui suit.

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